Le prix Nobel de Physique 2025

Comme tous les mois d’octobre de chaque année, l’Académie royale des sciences de Suède, située à Stockholm, est le cadre prestigieux de la remise d’un prix tout aussi prestigieux, le prix Nobel. Le prix Nobel de Physique 2025 a ainsi été décerné à 3 physiciens : John Clarke (Université de Californie, USA), Michel Devoret (Université de Yale et université de Californie USA, membre de l’Académie des Sciences française) et John M. Martinis (Université de Californie, USA) pour leurs recherches en Physique quantique. Plus précisément, le communiqué officiel indique que ces 3 physiciens ont été récompensés pour la « découverte de l’effet tunnel quantique macroscopique et de la quantification de l’énergie dans un circuit électrique ». Ce prix démontre l’excellence de la recherche française et américaine dans le domaine quantique. Les travaux récompensés ont ouvert la voie au développement de nouvelles technologies quantiques ayant trait à la cryptographie quantique ou aux ordinateurs quantiques.

La Physique quantique est l’une des 2 grandes révolutions de la Physique moderne (la seconde étant la théorie de la Relativité d’Einstein). Révélée par les travaux de Max Planck au tout début du XXe siècle, elle conduira par la suite à une description cohérente du monde microscopique (chimie, physique atomique ou moléculaire, physique des particules au niveau subatomique…). Loin de rester cantonnée au micro-monde, dont elle a profondément bouleversé notre vision, la Physique quantique va peu à peu révéler sa pertinence à toutes les échelles, y compris à l’échelle macroscopique usuelle, voire au-delà, puisque certaines étoiles sont gouvernées par des effets quantiques.

La question de l’influence de l’échelle sur le comportement des systèmes physiques est cruciale en Physique moderne. La Physique quantique elle-même est concernée puisque ses lois gouvernent notre univers à toutes les échelles même si ses manifestations à grande échelle sont parfois masquées par des effets subtils. La question de la possibilité d’obtention d’états quantiques macroscopiques et leur nature ‘paradoxale’ a été posée très tôt, notamment sous la forme attrayante du fameux ‘paradoxe du chat’ de Schrödinger. Bien au-delà des fausses apparences intuitives du problème, cette question peut être reformulée ainsi : quelle est la taille maximale requise pour qu’un système manifeste des effets quantiques ? Aux réponses apportées à cette question complexe sont attachés des enjeux technologiques de taille comme, par exemple, le contrôle d’états quantiques macroscopiques qui demeure l’un des verrous majeurs de la construction d’un ordinateur quantique. Il apparaît en effet que plus la taille d’un système est importante et plus il est sensible à son environnement macroscopique. Or cet environnement, souvent incontrôlé, a plutôt tendance à effacer certains effets quantiques (ce processus est la décohérence), expliquant pourquoi les grands systèmes prennent une apparence (et un comportement) classique.

L’intérêt des travaux récompensés par le prix Nobel 2025 est d’avoir ouvert la voie à l’étude des systèmes quantiques ouverts (c’est-à-dire fortement couplés à un environnement macroscopique) et de mettre en évidence les conditions dans lesquelles de grands systèmes conservent un comportement quantique. Les chercheurs récompensés ont ainsi démontré, par le truchement de véritables prouesses expérimentales, l’observabilité de tels effets quantiques macroscopiques dans des circuits supraconducteurs. Leur état supraconducteur les protège efficacement de la décohérence, rendant possible la mise en évidence d’effets quantiques divers à grande échelle. Mais ces importantes découvertes fondamentales ont aussi engendré le développement d’un nouveau domaine applicatif, la Quantronique, domaine dédié à l’exploitation de ces effets quantiques macroscopiques et au développement de techniques de contrôle et de mesure des états quantiques à l’échelle des circuits électriques.

Robert Bouzerar